Le Blog de Voltaire
Pourquoi n’y a-t-il pas de terme pour exprimer la porte de toutes les sciences ?
Prions les savants hommes qui travaillent à l’Encyclopédie de nous dire pourquoi l’alphabet n’a point de nom dans aucune langue de l’Europe. Alphabet ne signifie autre que A B, et A B ne signifie rien, ou tout au plus il indique deux sons, et ces deux sons n’ont aucun rapport l’un avec l’autre. Beth n’est point formé d’Alpha, l’un est le premier, l’autre le second ; et on ne sait pas pourquoi.
Or, comment s’est-il pu faire qu’on manque de termes pour exprimer la porte de toutes les sciences ? La connaissance des nombres, l’art de compter, ne s’appelle point un-deux ; et le rudiment de l’art d’exprimer ses pensées n’a dans l’Europe aucune expression propre qui le désigne.
Il est à croire que les Phéniciens, en communiquant leurs caractères aux Grecs, leur rendirent un grand ser- vice en les délivrant de l’embarras de l’écriture égyptiaque qui leur avait été apportée d’Egypte : les Phéniciens, en qualité de négociants, rendaient tout aisé ; les Egyptiens, en qualité d’interprètes des dieux, rendaient tout difficile.
Les marchands furent probablement ceux qui établirent la société entre les hommes, en fournissant à leurs besoins ; et pour négocier, il faut s’entendre.